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l’épave du cynthia.

père était assis assez loin du feu, silencieux, les mains oisives. Katrina, les yeux pleins de larmes, tenait serrées dans les siennes les mains d’Erik, qui, les joues animées par l’espoir de ses destinées nouvelles et le regard assombri par le chagrin de quitter tout ce qu’il aimait, ne savait trop à quel sentiment il devait laisser prendre le dessus. La petite Vanda cachait sa tête sur les genoux du pêcheur. On ne voyait d’elle que les longues nattes d’un blond argenté, qui tombaient lourdement sur ses épaules frêles et gracieuses. Otto, vivement ému lui aussi de cette séparation imminente, se tenait immobile auprès de son frère adoptif.

« Comme vous voilà sombres et désolés !… s’écria le docteur en s’arrêtant au seuil. Erik serait au moment de partir pour l’expédition la plus lointaine et la plus périlleuse que vous ne pourriez en témoigner plus de chagrin !… Il n’y a vraiment pas de quoi, je vous assure, mes bons amis ! Stockholm n’est pas aux antipodes, et l’enfant ne vous quitte pas pour toujours ! Il pourra vous écrire et je ne doute pas qu’il ne le fasse souvent ! Son cas est celui de tous les garçons qui s’en vont au collège. Dans deux ans, il vous reviendra grand et fort instruit, accompli de tout point ! Y a-t-il là si grand sujet de se désoler ?… Sérieusement, ce n’est pas raisonnable ! »

Katrina s’était levée avec la dignité native des paysannes du Nord.

« Herr Doktor, Dieu m’est témoin que je vous