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l’épave du cynthia.

pour donner au navigateur un spécimen de ce qu’ont dû être jadis les cataclysmes de la période glaciaire. L’obscurité était profonde, quoiqu’il fût à peine cinq heures du soir dans les pays où le jour et la nuit se distinguent l’un de l’autre. La machine à vapeur ayant dû s’arrêter, il n’y avait pas à songer à allumer le foyer électrique. Aux sifflements de l’ouragan, aux roulements du tonnerre, au vacarme des glaces flottantes, s’entrechoquant et s’écroulant les unes sur les autres, s’ajoutaient dans les ténèbres les craquements de la banquise qui se disloquait et se brisait de toutes parts. Chaque crevasse, en se formant, donnait lieu à une détonation qui se détachait sur la base continue de la tempête, comme une coup de canon en détresse. La fréquence de ces explosions indiquait que les fissures devaient être innombrables.

Bientôt l’Alaska en subit directement le contrecoup. Le petit havre où il avait pu se réfugier ne tarda pas à être envahi par le « drift-ice », comme les moindres recoins du golfe. Un entassement de glaçons, uni, cimenté par la neige qui tombait toujours, se forma autour de la coque du navire, l’assiégea, l’enserra comme dans un étau. Dès lors, l’Alaska se mit à craquer, lui aussi, sous l’effort des glaces. Ses membrures gémirent à l’unisson de la banquise dans laquelle il était maintenant incrusté. À tout instant, on pouvait redouter que la coque se rompît, et cela n’aurait assuré-