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l’épave du cynthia.

Norvégiens ou des Suédois du sud — de ce soleil de minuit, rasant l’horizon sans le quitter, puis remontant dans les cieux. En gravissant une hauteur sans nom, qui s’élève dans ces parages désolés, on pouvait voir l’astre du jour décrire en vingt-quatre heures un cercle complet sur l’espace. Le soir, tandis qu’on restait baigné dans sa lumière, au loin toutes les régions du sud étaient plongées dans la nuit. Cette lumière, il est vrai, est pâle et languissante ; les formes perdent leur saillie ; l’ombre des objets devient de plus en plus molle ; la nature entière revêt l’apparence d’une vision. On sent alors plus vivement encore dans quel monde extrême on se trouve, et combien près du pôle !… Et pourtant le froid n’était pas vif. La température ne descendait guère au-dessous de 4 ou 5 degrés centigrades. Parfois l’air était si doux qu’on avait peine à se persuader qu’on fût véritablement au cœur de la zone arctique.

Mais ces curiosités ne suffisaient point à remplir l’âme d’Erik ni à lui faire perdre de vue son but suprême. Il n’était venu là ni pour herboriser, comme M. Malarius, qui rentrait tous les soirs plus ravi de ses explorations à terre et des plantes inconnues dont il augmentait son herbier, ni pour savourer, avec le docteur et M. Bredejord, la nouveauté des aspects que leur offrait la nature circumpolaire. Il s’agissait de retrouver Nordenskjöld et Patrick O’Donoghan, de remplir un devoir sacré, tout en découvrant peut-être le secret de sa propre