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l’épave du cynthia.

des tempêtes de neige, qui couvraient le pont, les mâts et tous les agrès d’une ouate épaisse. Assiégé par des amoncellements de glaçons que le vent poussait tout à coup sur lui, il était menacé de s’ensevelir sous leur masse. Ou encore, il s’engageait dans une « wacke », sorte de lac entouré par la banquise et fermé comme une impasse. En sortait-il pour retrouver la mer libre ? c’est alors surtout qu’il fallait ouvrir l’œil pour ne pas être pris en flanc par quelque iceberg monstrueux, arrivant du nord avec une vitesse vertigineuse, et dont la masse effrayante aurait écrasé l’Alaska comme une noisette. Mais un danger plus grave encore était celui des glaces sous-marines, que la quille heurtait et faisait basculer — véritables paradoxes hydrostatiques, qui n’attendaient qu’un contact pour se redresser avec une violence souvent terrible en brisant tout sous leur coup de bélier. L’Alaska perdit ainsi ses deux chaloupes et se vit parfois obligé de hisser son hélice à bord afin d’en redresser les ailes. Il faut avoir passé par ces épreuves et les dangers de tous les instants que présente la navigation dans les mers arctiques, pour s’en faire une idée même approximative. Après une ou deux semaines d’un pareil régime, l’équipage le plus intrépide est à bout de forces. Un repos lui est nécessaire.

Du moins ces épreuves et ces dangers avaient-ils une compensation dans la rapidité avec laquelle les degrés de longitude s’égrenaient sur le livre