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l’épave du cynthia.

placée dans un coin, où brûle toujours un grand feu de bois — donne aux plus humbles demeures un air de propreté et de luxe domestique inconnu aux paysans de l’Europe méridionale.

Ce soir-là, toute la famille était réunie autour du foyer, où mijotait une colossale marmite contenant un mélange de « sildesalat » ou hareng fumé, de saumon et de pommes de terre. Maaster Hersebom, assis dans un haut fauteuil de bois, faisait du filet, selon son habitude invariable, quand il ne se trouvait pas à la mer ou au séchoir. C’était un rude marin, au teint brûlé par les bises polaires, aux cheveux grisonnants déjà, quoiqu’il fût encore dans la force de l’âge. Son fils Otto, un grand garçon de quatorze ans, qui lui ressemblait de tout point et paraissait destiné à devenir, lui aussi, un pêcheur émérite, était pour le présent fort occupé à pénétrer les mystères de la règle de trois, en couvrant de chiffres une petite ardoise, d’une grosse patte qui avait l’air de se connaître beaucoup mieux au maniement de l’aviron. Erik, penché sur la table à manger, était plongé dans la lecture d’un gros livre d’histoire, prêté par M. Malarius. Tout près de lui, Katrina Hersebom, la bonne femme, filait paisiblement à son rouet — tandis que la petite Vanda, une blondine de dix à douze ans, assise sur un escabeau, tricotait avec ardeur un gros bas de laine rouge. À ses pieds, un grand chien d’un blanc jaune, à la fourrure aussi épaisse que celle d’un mouton, dormait couché en rond.