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on nous écrit de la « véga ».

vont devenir plus fréquents par suite de l’expédition même de Nordenskjöld. Des armateurs parlent déjà d’envoyer tous les ans des navires à l’embouchure de l’Yeniseï… »

Sur ce thème, la discussion était inépuisable. Les deux amis étaient encore en train de le traiter, quand Erik arriva d’Upsal, à deux heures. Lui aussi, il avait lu la grosse nouvelle, et il avait pris le train sans perdre un seul instant. Mais, chose singulière, ce n’était pas la joie, c’était plutôt l’inquiétude qui dominait chez lui.

« Savez-vous ce que je crains maintenant ? dit-il au docteur et à M. Bredejord. Je crains qu’il ne soit arrivé malheur à la Véga… Songez donc que nous sommes au 5 décembre, et que les chefs de l’expédition comptaient arriver avant le mois d’octobre au détroit de Behring !… Si cette prévision s’était réalisée, nous le saurions maintenant, car la Véga serait depuis longtemps au Japon, ou tout au moins à Pétropavlovsk, aux îles Aléoutiennes, à une station du Pacifique d’où l’on aurait eu de ses nouvelles !… Or les dépêches et les lettres venues par la voie d’Irkoutsk sont datées du 7 septembre, c’est-à-dire que, depuis trois mois entiers, on ne sait rien de ce qu’est devenue la Véga… c’est-à-dire qu’elle n’est pas arrivée à temps au détroit de Behring… c’est-à-dire qu’elle a subi le sort commun de toutes les expéditions parties depuis trois siècles pour découvrir le passage nord-est ! Voilà la déplorable conclusion qui s’impose à moi !