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l’épave du cynthia.

Le docteur Schwaryencrona se fit décrire Patrick O’Donoghan et s’assura que le signalement répondait bien à celui qu’il possédait. Tous ces gens semblaient honnêtes et sincères. Ils avaient de bonnes figures ouvertes et naïves. L’uniformité de leurs réponses pouvait bien sembler un peu étrange et concertée. Mais, après tout, n’était-ce pas la conséquence naturelle des faits mêmes ? N’ayant connu Patrick O’Donoghan qu’un an au plus, ne se rappelant guère de lui que son signalement et sa mort, ils ne pouvaient savoir que fort peu de chose et dire que ce qu’ils savaient.

D’autre part, l’Albatros était un yacht si bien tenu, que s’il eût eu quelques canons, il aurait pu passer pour un navire de guerre. La propreté la plus rigoureuse régnait à bord. Les hommes étaient bien portants, bien vêtus, admirablement disciplinés, car ils restaient à leur poste alors que d’un saut ils se seraient trouvés à terre. Bref, l’ensemble des choses emportait une conviction qui agit invinciblement sur l’esprit du docteur.

Il se déclara donc entièrement satisfait et poussa l’esprit de sacrifice ou d’hospitalité jusqu’à ne pas se retirer sans inviter à dîner M. Tudor Brown, qui se promenait de long en large sur la dunette, en sifflotant un air à lui connu.

Mais M. Tudor Brown ne jugea pas à propos d’accepter cette invitation. Il la déclina en ces termes courtois :

« Non. Puis pas !… Ne dîne jamais en ville ! »