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l’épave du cynthia.

et considéra avec quelque surprise le singulier personnage qui répondait au prénom féodal de Tudor en même temps qu’au nom très plébéien de Brown.

Qu’on se figure un homme d’une cinquantaine d’années : front couvert d’une multitude de petites boucles « à la Titus », de couleur carotte, que l’examen le plus superficiel montrait comme composées, non pas de cheveux, mais de soie grège ; nez crochu, surmonté d’une énorme paire de bésicles d’or à verres fumés ; dents longues comme celles d’un cheval ; joues glabres, encadrées dans un énorme faux col, d’où sortait, sous le menton, un pinceau de barbe rousse ; une tête bizarre, surmontée d’un chapeau haut de forme qui semblait y être vissé, car son propriétaire ne faisait même pas le simulacre d’y porter la main ; — le tout reposant sur un grand corps maigre, anguleux, grossièrement équarri, vêtu de pied en cap d’une étoffe de laine à carreaux verts et gris. Une épingle de cravate, munie d’un diamant aussi gros qu’une noisette, une chaîne de montre serpentant dans les replis d’un gilet à boutons d’améthyste, une douzaine de bagues sur des doigts aussi noueux que ceux d’un chimpanzé, complétaient l’ensemble le plus prétentieux, le plus hétéroclite, le plus grotesque qu’il fût possible de voir.

Ce personnage entra dans le cabinet du docteur comme il aurait pu entrer dans une station de chemin de fer, sans même ébaucher un salut. Il s’arrêta pour dire d’une voix qui ressemblait à celle de