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l’épave du cynthia.

il détournait assez maladroitement la conversation, quand elle se portait sur ce sujet. Il s’était même empressé de décamper, de faire un voyage au long cours, au moment du procès civil intenté par la compagnie d’assurances aux propriétaires du Cynthia, et cela afin de ne pas être impliqué dans le procès, fût-ce comme témoin. Cette conduite avait paru d’autant plus suspecte, que Patrick O’Donoghan était alors le seul survivant connu de l’équipage, M. Bowles n’avait jamais su le fin mot de cette affaire ; mais sa femme et lui l’avaient toujours trouvée louche.

Ce qui le paraissait davantage encore, c’est que Patrick, pendant son séjour à New York, n’était jamais à court d’argent. Il n’en rapportait pourtant guère de ses voyages. Mais, quelques jours après son retour, il ne manquait pas d’avoir de l’or et des billets, et quand il était gris, ce qui lui arrivait fréquemment, il se vantait de posséder un secret qui équivalait à une fortune. Et le mot qui revenait toujours dans ses divagations, c’était « l’enfant sur la bouée ».

« L’enfant sur la bouée, monsieur Bowles ! disait-il en frappant sur la table. L’enfant sur la bouée vaut son pesant d’or !… »

Là-dessus, il ricanait, très satisfait de lui-même. Jamais on n’avait pu lui tirer une explication de ces paroles, qui étaient restées pendant des années, pour le ménage Bowles, un sujet de suppositions à perte de vue.