Page:Verne, Laurie - L’Épave du Cynthia.djvu/114

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

108
l’épave du cynthia.

En attendant sa guérison complète, la famille vivait de ses dernières ressources et du produit des morues salées qu’elle avait encore en magasin. Mais l’avenir était noir, et personne ne voyait comment il pourrait s’éclaircir.

Cette détresse imminente fit bientôt prendre un nouveau cours aux méditations d’Erik. Pendant deux ou trois jours, le bonheur d’avoir sauvé la vie à maaster Hersebom — c’était bien son dévouement passionné qui en avait l’honneur — suffit à occuper sa pensée. Comment n’aurait-il pas été fier, quand il voyait le regard de dame Katrina ou celui de Vanda s’arrêter sur lui, tout humide de reconnaissance, comme pour lui dire :

« Cher Erik, le père t’avait sauvé des eaux ; mais tu l’as, à son tour, arraché à la mort !… »

Certes, c’était la plus haute récompense qu’il pût souhaiter pour l’abnégation dont il avait fait preuve en se condamnant à la vie de pêcheur. Se dire qu’il avait en quelque sorte rendu à sa famille d’adoption tous ces bienfaits à la fois, quelle pensée plus fortifiante et plus douce ?

Mais cette famille, qui avait si généreusement partagé avec lui les fruits de son travail, se trouvait maintenant à la veille de n’avoir plus de pain. Fallait-il rester un fardeau pour elle ? N’était-ce pas plutôt le devoir de tout tenter pour lui venir en aide ?

Erik avait nettement conscience de cette obligation. C’est seulement sur le moyen qu’il hésitait,