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et surpasse en perfection les mécanismes créés par notre volonté et notre intelligence.

Ce fait détermine la structure de la végétation ambiante. La surface des feuilles des forêts et des prairies est plusieurs dizaines de fois plus grande que celle des plantations, la surface des feuilles des prés de nos latitudes 22 à 38 fois, celle d’un champ de luzerne blanche 85,5 fois, d’une forêt de hêtres 7,5 fois, etc. Le monde organique étranger qui remplit lors de la croissance des grosses plantes les intervalles vides, n’est pas pris en considération dans ces calculs. Dans nos forêts, les arbres sont renforcés par la végétation herbacée du sol, par les mousses et les lichens, qui montent sur leurs troncs, par les algues vertes des régions humides, qui les recouvrent et s’épanouissent dans des conditions tant soit peu favorables de chaleur et d’humidité. Dans les champs cultivés qui couvrent la plus grande partie de la Terre ferme, ce n’est que par un plus grand effort et une dépense considérable d’énergie — et seulement dans des cas exceptionnels, — que l’homme atteint une homogénéité quelque peu parfaite de ses cultures : la mauvaise herbe verte y pousse toujours.

Avant l’apparition de l’homme, cette structure se manifestait dans la nature vierge de manière plus prononcée. Nous pouvons encore aujourd’hui, étudier scientifiquement ses vestiges. Dans les régions non cultivées de « steppe-vierge », qui subsistent intactes dans la Russie méridionale, on peut observer un équilibre naturel établi depuis des siècles, qui aurait pu rapidement être rétabli partout, si l’homme n’avait opposé l’action de sa volonté et de son intelligence. J. Paczoski (1903) décrit la steppe de « kovyl » ou « tyrsa » (stipa capillata) de Cherson : « c’était l’impression de la mer ; on n’apercevait aucune végétation en dehors de la stipa (tyrsa), qui s’élevait jusqu’à