Page:Vernadsky - La Biosphère, 1929.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.

biologie, on doit rester sur un terrain purement empirique et éviter les représentations matérialistes et vitalistes.

Dans l’une de ces sciences, la géochimie, on se heurte à chaque pas à des phénomènes de la vie. Ici, les organismes sous forme de leurs ensembles, les matières vivantes, en sont les agents principaux.

La matière vivante prête à la biosphère un aspect absolument extraordinaire, jusqu’à présent unique dans l’univers. La distinction s’y impose de deux types de matière, brute et vivante, qui exercent une influence réciproque l’une sur l’autre, mais que certains traits essentiels de leur histoire géologique séparent par un abîme infranchissable. Il a toujours été hors de doute que ces deux différents types de matière de la biosphère appartiennent à des catégories de phénomènes divers qui ne peuvent être réduites à une seule.

L’existence d’une différence fondamentale (qui paraît immuable) entre la matière vivante et la matière brute, peut être considérée comme un axiome, qui un jour sera peut-être effectivement établi[1]. Nous ne pouvons l’affirmer à l’heure actuelle, mais il est certain que ce principe doit être considéré comme une des plus grandes généralisations des sciences naturelles.

On perd souvent de vue la portée d’une telle généralisation, comme la portée de généralisations empiriques dans la science en général et, on les identifie, par routine et sous l’influence de constructions philosophiques avec les hypothèses scientifiques. Lorsque l’on s’occupe des phénomènes de la vie, il est surtout nécessaire d’éviter cette habitude pernicieuse et enracinée.

  1. Le changement qui s’opère actuellement dans nos idées à propos des axiomes mathématiques doit avoir une répercussion sur l’interprétation des axiomes des sciences naturelles, axiomes moins approfondis par la pensée philosophique critique.