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La comparaison de ces deux points de vue transforme la conception scientifique des phénomènes de la vie et lui donne plus de profondeur.

La différence de ces deux représentations de la vie se manifeste, d’une manière particulièrement frappante dans le fait que la théorie de l’évolution, qui pénètre toute la conception biologique actuelle de l’univers, ne joue presque aucun rôle en géochimie.

Nous nous efforcerons ici de mettre en lumière l’importance des phénomènes de l’évolution des espèces dans le mécanisme de la biosphère. Il est aisé de se convaincre que les conceptions fondamentales de la biologie y subissent des modifications radicales.

Ainsi l’espèce est habituellement considérée dans la biologie du point de vue géométrique ; la forme, les caractères morphologiques, y occupent la première place. Dans les phénomènes biogéochimiques, au contraire, celle-ci est réservée au nombre et l’espèce est considérée du point de vue arithmétique. Différentes espèces d’animaux et de plantes doivent, à l’instar des phénomènes chimiques et physiques, des composés chimiques et des systèmes physico-chimiques, être caractérisés et déterminés en géochimie par des constantes numériques.

Les indices morphologiques relevés par les biologues et nécessaires pour la détermination de l’espèce y sont remplacés par les constantes numériques.

Dans les processus biogéochimiques il est indispensable de prendre en considération les constantes numériques suivantes : le poids moyen de l’organisme, sa composition chimique élémentaire moyenne et l’énergie géochimique moyenne qui lui est propre, c’est-à-dire sa faculté de produire des déplacements, autrement dit « la migration » des éléments chimiques dans le milieu vital.