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pas aux autres, et les prend toujours en proportions déterminées.

Mais c’est là un côté du phénomène sur lequel de Baer avait porté son attention et qui se rattache évidemment à l’autonomie de l’organisme et aux systèmes d’équilibre qui lui sont propres, systèmes atteignant l’état stable, et possédant une énergie libre minima.

Cette particularité de l’histoire géochimique des organismes se manifeste encore avec plus de netteté dans leur matière vivante, dans leurs ensembles. La loi d’économie est ici observée dans d’innombrables phénomènes biologiques. Les atomes entrés sous quelque forme dans la matière vivante, une fois entraînés dans ses tourbillons vitaux séparés, ne rentrent qu’avec difficulté, et peut-être, ne rentrent pas du tout dans la matière brute de la biosphère. Les organismes qui assimilent d’autres organismes, parasites, symbioses, saprophytes qui retransforment instantanément en une forme de la matière vivante, les restes de vie à peine dégagés et encore en grande partie vivants, imprégnés de formes microscopiques, les nouvelles générations provenant de la multiplication, tous ces innombrables mécanismes hétérogènes entraînent les atomes dans le milieu mobile, les gardent dans les tourbillons vitaux, et les transportent de l’un à l’autre.

Il en est ainsi dans l’espace de tout le cercle vital au cours de centaines de millions d’années. Mais une partie des atomes du revêtement vital immuable dont l’énergie demeure toujours au niveau de l’ordre de 1019 grandes calories, ne quitte jamais le cercle vital. Selon l’expression imagée de de Baer, la vie est économe dans la dépense de la matière absorbée, ne s’en sépare qu’avec difficulté et comme à regret. Normalement elle ne la rend pas, du moins pas pour longtemps.