les manufactures, comblez les canaux, labourez les grands chemins. Si vous ne faites pas tout cela, vous n’avez rien fait ; si la charrue ne passe pas sur la civilisation tout entière, ce qui en restera suffira pour tromper vos efforts. »
Ces magnifiques paroles de Royer-Collard s’appliquent avec une justesse saisissante au régime auquel la France a été soumise pendant dix-huit ans, et auquel elle vient à peine d’échapper. Aux termes du décret du 17 février 1852, aucun journal ne pouvait être publié qu’avec l’autorisation préalable du gouvernement, qui tenait les journaux autorisés sous un joug étroit, et pouvait les supprimer au moindre écart. Quand le ministère voulait empêcher la publication d’une nouvelle, ou quand il voulait empêcher la discussion d’une question, il envoyait aux journaux une injonction à laquelle ceux-ci devaient se soumettre, sous peine de se voir retirer leur autorisation. Les journaux et les livres étrangers ne pouvaient franchir la frontière qu’après avoir obtenu l’agrément du ministère.
Et cependant toutes ces précautions ont été vaines ; rien n’a pu empêcher la manifestation et le développement du grand mouvement qui a fini par rompre ces chaînes odieuses. Le courant de l’opinion publique a fini par emporter la digue que l’on avait voulu lui opposer.