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montre bien à quel point en France est perverti le sens de la liberté en même temps que celui de la justice.

Il y a à ce propos un mot bien profond et bien juste de Michelet dans son Histoire de la Révolution : « Ce grand peuple (le peuple français) qui a été le docteur et le pape du droit au seizième siècle, qui a trouvé, promulgué au dix-huitième la loi pour toute la terre, n’en a pas moins un organe faible, quelque peu atrophié, et qui ne revient pas bien : le sens de la justice criminelle et civile. »

La République livra ainsi au despotisme et à la violence des armes fatales qui furent cruellement retournées contre elle et contre ceux-là mêmes qui les avaient forgées par le coup d’État du 2 décembre[1].

Le décret du 8 décembre 1851 et la loi de sûreté générale ont, depuis le commencement de l’Em-

  1. « Si le dernier des criminels, le plus notoirement coupable, le plus indigne d’excuse était frappé sans jugement, condamné sans être entendu, jugé sur des notes de police ou des dénonciations anonymes, il n’y aurait qu’une voix pour invoquer les principes élémentaires de toute justice. Cependant tout cela s’est fait en 1848, non pas pour un individu, mais pour des milliers d’hommes ; cela s’est fait par des hommes qui se disaient républicains, mais qui voulaient avant tout le pouvoir. Je ne sais si, lorsque plus tard ils ont vu, en 1851, tourner contre eux les armes qu’ils avaient forgées eux-mêmes, un remords tardif est venu éveiller leur conscience » (Delescluze, de Paris à Cayenne)