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Rien dans mon âme ne murmure
Contre les ronces où la mûre
Saigne, ou contre l’orgueil des lys ;
Je pardonne leurs bavardages
Aux pétulants merles sauvages
Dans les feuilles ensevelis.

Je passe aux roses leurs toilettes,
Et l’améthyste aux violettes,
Et la topaze aux vers luisants,
Aux faisons d’or leur luxe étrange,
Aux loriots la soie orange
Dont s’enflamment leurs cous charmants.

Je n’éclate pas en reproches
Si la source qui, dans les roches,
Roule un babil perpétuel,
Tout comme les yeux de la femme
Où jadis plongea mon âme,
Reflète la splendeur du ciel.

Les beaux soirs d’automne, aux vesprées,
Quand je vois les grappes pourprées
Qu’un rayon de lune poursuit !
Je pardonne aux grives gourmandes
Qui parlent comme des flamandes
Un jour de kermesse, à minuit.

Je voile mon âme sereine
Quand brillent des yeux où la haine
Et le crime sont triomphants,
Et mes illusions perdues
Apaisent leurs lèvres émues
Sur le front chaste des enfants.

Bien souvent des oiseaux de proie,
En poussant de grands cris de joie,
Du bec ont déchiré mon cœur,
Mais j’ai purifié mon âme
Avec la douceur d’une femme
Et l’humilité d’un pécheur.

J’ai cherché dans la tourmente,
Le dahlia bleu, la fleur qui chante,
Loin des jaloux, loin des méchants ;
J’ai voulu me refaire une vie