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Un jour viendra bientôt où les enfants, les femmes
 Les mains frêles, les petits bras,
S’armeront de nouveau sans peur des fusillades
 Et sans respect pour vos canons !
Les faibles, sans pâlir, iront aux barricades ;
 Les petits seront nos clairons !
Sur un front de bataille épouvantable et large
 L’émeute se relèvera ;
Et, sortant des pavés pour nous sonner la charge,
 Le spectre de Mai parlera…
Il ne s’agira plus alors, gueux hypocrites,
 De fusiller obscurément
Quelques mouchards abjects, quelques obscurs jésuites
 Canonisés subitement ;
Il ne s’agira plus de brûler trois bicoques
 Pour défendre tout un quartier ;
Plus d’hésitations louches ! plus d’équivoques !
 Bourgeois, tu mourras tout entier !
La conciliation, lâche, tu l’as tuée !
 Tes cris ne te sauveront pas !
Tu vomiras ton âme au crime habituée
 En invoquant Thiers et Judas !
Nous t’apportions la paix et tu voulus la guerre,
 Eh bien ! nous l’aimons mieux ainsi !
Cette insurrection, ce sera la dernière
 Nous fonderons notre ordre aussi !
Non, rien ne restera de ces coquins célèbres,
 Leur monde s’évanouira,
Et toi, dont l’œil nous suit à travers nos ténèbres,
 Nous t’invoquerons, ô Marat !
Toi seul avait raison : pour que le peuple touche
 À ce port qui s’enfuit toujours,
Il nous faut un grand jour la justice farouche
 Sans haines comme sans amours,
Dont l’effrayante voix plus haut que la tempête
 Parle dans sa sérénité,
Et dont la main tranquille au ciel lève la tête
 De Prud’homme décapité !

Eugène Vermersch.


Bruxelles, août — Londres, septembre 1871