Ne l’avez-vous assez appris ?
Non, il ne suffit pas de marquer leurs épaules !
Pas de bagne et plus de mépris ;
La mort !… quand le forçat s’évade et recommence !
La pitié n’est plus de saison !
Demandez au passé ce que vaut la clémence !
Ô peuple, écoute la raison !
Va dans le cimetière où sont couchés tes pères
Avec leur balle dans le cœur,
Laisse dans leur fureur parler ces voix sévères
Et donne à ces morts un vengeur !… »
Mais la sensiblerie a perdu cette race,
Tout pour ce siècle est innocent !
Nul ne s’est souvenu que « tu veux qu’on t’embrasse
Avec des bras rouges de sang ! »
On sauva les bandits, on prêcha l’indulgence,
On dit aux gueux effarouchés
Qui se faisant petits, se tenaient cois d’urgence :
« Oublions vos vieux péchés !
Mon Dieu ! rassurez-vous, chers brigands que vous êtes !
Vous n’êtes plus que des vaincus !
Nous ne prendrons pas un cheveu de vos têtes,
Une obole de vos écus ! »
Et ce qui fut dit fut fait : les meurtriers, les traîtres
Et les voleurs de grand chemin
Respirèrent : bourgeois, rentiers, nobles et prêtres
Clignèrent l’œil d’un air malin.
Aujourd’hui ces gredins, du sang jusqu’aux chevilles
Rient d’un rire stupide et lourd,
Et dans le vin joyeux et les baisers des filles
Se moquent de leurs peurs d’un jour ;
Aujourd’hui dans Paris, sur le pavé des rues,
Ils foulent nos morts à leurs pieds :
Les pères mitraillés, les mères disparues,
Dans leurs berceaux de sang souillés,
Les orphelins, levant leurs mains, demandent grâce
À ces assassins triomphants !…
Ce que pour l’avenir contiennent de menace
Les mains de ces petits enfants ;
Ce que, plus tard, diront avec leurs bouches vertes
Les cadavres ensanglantés,
Le mot d’ordre sorti des fosses entr’ouvertes,
Le sombre appel des transportés,
Non ! ô triomphateurs d’abattoir, non infâmes
Non, vous ne vous en doutez pas !
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