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Allez ! Et noyez dans l’écume
Le cri de ces désespérés !

« Nous voulons qu’on nous débarrasse,
De la tourbe de ces jaloux :
Il faut détruire cette race
Qui voudrait vivre comme nous !
Coupons ces mains, cousons ces bouches,
Proscrivons ces homme farouches
Qui, même au moment de mourir,
Rêvent encore d’âpres revanches,
Et laissons aux mouettes blanches
Le soin de les ensevelir !

N’ont-ils pas mis dans leurs cervelles
Qu’ils avaient droit comme nos fils
Aux fruits pourprés, aux fleurs nouvelles,
Et n’ont-ils pas, dans leurs défis,
Proclamé le travail auguste,
L’agio vil, la rente injuste ?
Voulaient-ils pas, ces abrutis,
Dans leurs étonnantes doctrines,
Que nous durcissions nos mains fines
Sur le manche de leurs outils.

« Allons donc ! Allons ! pas de grâce !
Dieu sur qui nous nous appuyons
Fait suivre le riche qui passe
Par les parfums et les rayons !
Dieu l’a voulu ! Sa créature,
Demain poussière et pourriture,
Ne peut qu’adorer ses décrets !
Et nous nous devons à nous-mêmes
D’étouffer les hardis blasphèmes
Que poussent leurs vœux indiscrets !

« Nous sommes les élus, les maîtres !
Nous sommes les prédestinés !
Et Dieu nous soumit tous les êtres,
Même avant que nous fussions nés !
À nous les hommes et les choses !
Le ciel doré ! l’odeur des roses !
Le bois où folâtrent les vents !
L’ingénu regard plein de flammes
Et le léger baiser des femmes
Dans la tendresse du printemps !