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LES POÈTES MAUDITS 

J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies, £aisers montant aux yeux des mers avec lenteur, La circulation des sèves inouies Et l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs. J’ai suivi des mois pleins, pareille aux vacheries Hystériques, la houle à l’assaut des récifs. Sans songer que les pieds lumineux des Maries Pussent forcer le muffle aux Océans poussifs; J’ai heurté, savez-vous ? d’incroyables Florides, Mêlant aux fleurs des yeux de panthères, aux peaux D’hommes,desarcs-en-cieltendus comme des brides. Sous l’horizon des mers, à de glauques troupeaux; J’ai vu fermenter les marais énormes, nasses Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan, Des écroulements d’eaux au milieu des bonaces Kt les lointains vers les gouffres cataractanti Glaciers, soleils d’argent, flots nacreux, cieux de [braises, Échouages hideux au fond des golfes bruns Où les serpents géants dévorés des punaises Choient des arbres tordus avec de noirs parfums. J’aurais voulu montrer aux enfants ces dorades Du flot bleu, ces poissons d’or, ces poissons chan- [tants.