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LE SOLDAT LABOUREUR


À Edmond Lepelletier

 
Or ce vieillard était horrible : un de ses yeux,
Crevé, saignait, tandis que l’autre, chassieux.
Brutalement luisait sous son sourcil en brosse ;
Les cheveux se dressaient d’une façon féroce.
Blancs, et paraissaient moins des cheveux que des crins ;
Le vieux torse solide encore sur les reins,
Comme au ressouvenir des balles affrontées.
Cambré, contrariait les épaules voûtées ;
La main gauche avait l’air de chercher le pommeau
D’un sabre habituel et dont le long fourreau
Semblait, s’embarrassant avec la sabretache.
Gêner la marche et vers la tombante moustache
La main droite parfois montait, la retroussant.

Il était grand et maigre et jurait en toussant.

Fils d’un garçon de ferme et d’une lavandière.
Le service à seize ans le prit. Il fit entière,