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T’es un frère qu’est une dame
Et qu’est pour le moment ma femme…

Bon ! Puis dormons jusqu’à potron-
Minette, en boule et ron, ron, ron !

Serre-toi que je m’acoquine
Le ventre au bas de ton échine

Mes genoux emboîtant les tiens
Tes pieds de gosse entre les miens.

Roule ton cul sous ta chemise
Mais laisse ma main que j’ai mise

Au chaud sous ton gentil tapis.
Là ! Nous voilà cois, bien tapis.

Ce n’est pas la paix, c’est la trêve.
Tu dors ? Oui. Pas de mauvais rêve.

Et je somnole en gais frissons,
Le nez pâmé sur tes frissons.


II


Et toi, tu me chausses aussi,
Malgré ta manière un peu rude
Qui n’est pas celle d’une prude
Mais d’un virago réussi.

Oui, tu me bottes, quoique tu
Gargarises dans ta voix d’homme
Toutes les gammes de rogomme,
Buveuse à coudes rabattus !

Ma femme ! Sacré nom de Dieu !
À nous faire perdre la tête
Nous foutre tout le reste en fête
Et, nom de Dieu, le sang en feu.

Ton corps dresse, sous le reps noir,
Sans qu’assurément tu nous triches,
Une paire de ninais riches
Souples, durs, excitants, faut voir !

Et moule un ventre jusqu’au bas
Entre deux friands haut-de-cuisse,
Qui parle de sauce et d’épice
Pour quel poisson de quel repas !

Tes bas blancs — et je t’applaudis
De n’arlequiner point tes formes —
Nous font ouvrir des yeux énormes