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I

À celle que l’on dit froide


Tu n’es pas la plus amoureuse
De celles qui m’ont pris ma chair ;
Tu n’es pas la plus savoureuse
De mes femmes de l’autre hiver.

Mais je t’adore tout de même !
D’ailleurs ton corps doux et bénin
A tout, dans son calme suprême,
De si grassement féminin,

De si voluptueux sans phrase,
Depuis les pieds longtemps baisés
Jusqu’à ces yeux clairs pur d’extase,
Mais que bien et mieux apaisés !

Depuis les jambes et les cuisses
Jeunettes sous la jeune peau,
À travers ton odeur d’éclisses
Et d’écrevisses fraîches, beau,

Mignon, discret, doux petit Chose
À peine ombré d’un or fluet,
T’ouvrant en une apothéose
À mon désir rauque et muet,

Jusqu’aux jolis tétins d’infante,
De miss à peine en puberté,
Jusqu’à ta gorge triomphante
Dans sa gracile venusté,

Jusqu’à ces épaules luisantes,
Jusqu’à la bouche, jusqu’au front
Naïfs aux mines innocentes
Qu’au fond les faits démentiront,

Jusqu’aux cheveux courts bouclés comme
Les cheveux d’un joli garçon,
Mais dont le flot nous charme, en somme,
Parmi leur apprêt sans façon,

En passant par la lente échine
Dodue à plaisir, jusques au
Cul somptueux, blancheur divine,
Rondeurs dignes de ton ciseau,

Mol Canova ! jusques aux cuisses