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fort à propos que, dans le voisinage d’un poète, le commentateur doit se montrer discret.

Au Lecteur de manifester son opinion là-dessus, et sur d’autres particularités propres à l’esprit de cet ouvrage. Pour nous que le point de vue moral ne touche pas — surtout en matière de poésie — il semble bien qu’un tel livre vient à son tour, et que le caractère de ces pages autobiographiques doit servir la mémoire de l’auteur. Verlaine fut, certes, un pécheur, au sens que l’ancienne société et l’Eglise accordaient à ce mot. Son repentir fut réel, non dissimulé, et il apporta dans l’expression de ses regrets plus de sincérité qu’il n’avait montré de mauvais vouloir en commettant ses fautes. Son humilité ne lui valut que les sarcasmes de quelques-uns qui ne l’égalaient pas, tant du côté des mœurs que de l’intelligence, et qui étaient indignes de prendre part à la fête spirituelle dont il fut l’ordonnateur. Il expia si rudemert ses mauvais desseins, que ceux-là qui le connurent ne lui gardèrent jamais rancune. Son rythme avait tout purifié. On l’a comparé trop de fois à Villon, par sa vie déréglée, mais c’est à d’anciens chansonniers du Moyen âge qu’il faut le rapprocher pour la naïveté de l’inspiration. Comme Charles d’Orléans, il a vu un jour la « blanche falaise de Douvres » se dresser devant lui. Captif, non point à la manière du prince de sang royal, mais prisonnier de son propre sort, qui l’attachait pour un temps à la terre anglaise, il chanta. L’image du souvenir, plus souvent cruelle que consolante, n’altéra pas sa voix. De cette époque datent les pièces translucides des Romances sans paroles.