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Les fleurs des champs, les fleurs innombrables des champs,
Plus belles qu’un jardin où l’Homme a mis ses tailles,
Ses coupes et son goût à lui, — les fleurs des gens ! —
Flottaient comme un tissu très fin dans l’or des pailles,

Et, fleurant simple, ôtaient au vent sa crudité,
Au vent fort mais alors atténué, de l’heure
Où l’après-midi va mourir. Et la bonté.
Du paysage au cœur disait : Meurs ou demeure !

Les blés encore verts, les seigles déjà blonds
Accueillaient l’hirondelle en leur flot pacifique.
Un tas de voix d’oiseaux criait vers les sillons
Si doucement qu’il ne faut pas d’autre musique…

Peau-d’Ane rentre. On bat la retraite — écoutez ! —
Dans les états voisins de Riquet-à-la-Houppe,
Et nous joignons l’auberge, enchantés, esquintés,
Le bon coin où se coupe et se trempe la soupe !

(Amour).


Le petit coin, le petit nid
  Que j’ai trouvés,
Les grands espoirs que j’ai couvés,
  Dieu les bénit.
Les heures des fautes passées
  Sont effacées
Au pur cadran de mes pensées.

L’innocence m’entoure et toi
  Simplicité.
Mon cœur par Jésus visité
  Manque de quoi ?
Ma pauvreté, ma solitude,
  Pain dur, lit rude,
Quel soin jaloux ! l’exquise étude !

L’âme aimante au cœur fait exprès.
  Ce dévouement,
Viennent donner un dénouement
  Calme et si frais
À la détresse de ma vie
  Inassouvie
D’avoir satisfait toute envie !

Seigneur, ô merci N’est-ce pas
  La bonne mort ?
Aimez mon patient effort
  Et nos combats.
Les miens et moi, le ciel nous voie
  Par l’humble voie
Entrer, Seigneur, dans Votre joie.

(Amour)


J’ai la fureur d’aimer. Mon cœur si faible est fou.
N’importe quand, n’importe quel et n’importe où,
Qu’un éclair de beauté, de vertu, de vaillance
Luise, il s’y précipite, il y vole, il s’y lance,
Et, le temps d’une étreinte, il embrasse cent fois
L’être ou l’objet qu’il a poursuivi de son choix ;
Puis, quand l’illusion a replié son aile,