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voyage en france par un français

resse et l’expédient prenant le pain du vieux travail, et Dieu blasphémé tous les jours, défié, crucifié dans son église, souffleté dans son Christ, exproprié, chassé, nié, provoqué ! Quelle tribune et quelle presse ! Quelle jeunesse et quelles femmes, — et quel pays !

Pourtant, puisqu’elle vit encore, cette France horrible qu’ils nous ont faite, cette France difficile, presqu’impossible à aimer, bien qu’on en ait, puisqu’elle vit encore, même avec ces chefs qui ne sont pas une tête, même avec ces membres pourris et ce sang gâté, même dans cette atmosphère pestilentielle que lui fait son mal, puisqu’elle a encore forme de nation, puisque son nom subsiste et que sa langue est encore la première de l’Europe, c’est que, Dieu merci, le cœur y est, c’est qu’il bat, ce cœur, c’est que tant qu’il battra, il y aura une France qui peut redevenir la bien-aimée des nations et le soldat de Dieu qui lui a fait des promesses presqu’aussi solennelles qu’à son Eglise. Dès lors, il s’agit d’aller à ce cœur autrement encore que par la mémoire et l’imagination ; il faut, au Français jaloux de l’honneur initial et de l’espoir toujours permis, le courage de pénétrer à travers tous obstacles odieux et cruels jusqu’à la source pure et forte d’où sort ce beau sang bleu