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critique et conférences

blessé, d’une âme en deuil, noblement, pudiquement : — et Shakespeare, l’aventurier, né ruiné, catholique ou protestant, qui le sait ? l’a-t-il bien su lui-même ? fils d’un boucher, garçon boucher lui-même, « immolant avec pompe, » dit un de ses biographes, plus spirituel qu’informé probablement, des veaux, ne devant guère son instruction, après celle sommaire d’une école de village, qu’à des livres de colporteurs, tels que les légendes, contes de fées et romans de chevalerie, Shakespeare, l’aventurier, las de l’étable, fuyant au bois, tel un Corse aux maquis, devenu braconnier, ayant des rixes avec la yenmanry, se réfugiant à Londres (il gardait les chevaux à la porte des théâtres, quasi vendeur de contremarques), promu garçon de coulisses, puis figurant, — dans l’intervalle retapant de vieux drames, puis l’auteur d’Hamlet, de Henri VIII et d’Othello, et mourant enrichi à cinquante-deux ans dans son pays !

Quel contraste, n’est-ce pas ? La littérature de ces deux hommes devrait donc différer, si l’art n’était la vie dans la région des épreuves.

Évidemment, leur littérature diffère de toute la distance des temps, des lieux et des deux existences, de toute la différence des deux esprits et des deux éducations.

Car Racine vécut en somme régulièrement,