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comme ça

cédé d’un piqueur nègre, doré sur toutes les coutures.

La petite se rangea, écarquillant ses yeux, battant des mains presque à ce spectacle, et comme secouée d’un rire fou.

Le carrosse était, en effet, éblouissant, doré aussi, lui, et peintureluré comme tout. Deux grands laquais en la même livrée que le piqueur, et très poudrés, se dandinaient appendus à l’arrière-train de l’équipage qui, maintenant, filait devant elle, cependant qu’à la portière une vieille dame se montrait qui regarda l’enfant. Mais dès qu’elle l’eut vue si pauvre et si jolie sur le bord de cette route, elle fit un signe et, rebroussant chemin, la voiture s’arrêta devant Aline, de plus en plus émerveillée. L’un des laquais sauta de derrière le carrosse dont il ouvrit la portière, et, dans une profonde salutation, s’effaça devant la vieille dame qui descendait sans aide, assez prestement pour son âge, lequel était si grand, si grand pourtant !

Alors ce furent des caresses grand’maternelles, des offres de friandises et des baisers en veux-tu en voilà. Puis des questions : « Avez-vous encore vos parents ?… Comment t’appelles-tu, mon chou, dis-moi ? » Mais l’enfant de ne pas répondre, occupée à croquer ses dragées, non sans d’ailleurs un regard de vague et vive sympathie