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confessions

d’à la maison avec son cortège de ces légumes divins dits du pot-au-feu ; vinrent des haricots… rouges… de ne ressembler en rien aux farineux tendres et blancs, sous des condiments « puissants et doux » de la bonne table de papa et maman. En fait de dessert une pomme, comment déjà ? calvi, reinette, non certes, mais si peu mûre et tant meurtrie !… (ô les desserts de la rue alors Saint-Louis-des-Batignolles !) Et l’abondance dans la pourtant si belle timballe d’argent avec un beau V gravé et un beau 5 qui était mon numéro, l’abondance, mot charmant, seul mot vraiment digne d’être proféré, odieusement détourné de son sens, pour s’appliquer à une sorte d’eau de rinçure de bouteille que c’eût été encore un abus d’appeler de l’eau rougie ! cette boisson pire que de l’eau tiède, je la comparai avec le doigt de bon vin pur qui m’était octroyé chez nous au dessert du déjeuner et, après la soupe, à dîner. C’en était trop ! ces impressions gastronomiques jointes à celles de l’étude sinistre et de la lugubre dictée me dictaient, sinon mon devoir, du moins l’acte à faire.

Et profitant, au retour du réfectoire, de la porte ouverte pour le départ des externes et de la confusion produite par ce départ croisant la théorie des pensionnaires revenant du réfectoire, — je m’enfuis.


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