Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, V.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.
43
confessions

une après-midi. Le maître de l’établissement, officier d’Académie, chevalier de la Légion d’honneur et, ce qui à cette époque marquait bien, capitaine dans la garde nationale fort épurée et triée sur le volet d’après le Deux-Décembre, un grand homme assez corpulent, complètement rasé comme il était encore d’usage à cette époque dans la bonne bourgeoisie, qui, de prime abord, m’imprima une certaine révérence. Il parlait un peu sec mais d’un ton franc et ce fut sans boniments, comme on ne disait pas encore, sans insistance qu’il fit l’éloge de son établissement, « très connu » de père en fils et qui s’enorgueillissait d’avoir produit des hommes remarquables et marquants, par exemple, M. Sainte-Beuve. Il nous fit ensuite visiter les dortoirs qui ne me parurent pas trop maussades avec leur carreau rouge bien ciré, leurs hauts murs peints en vert clair et les rangées de lits bien blancs flanqués chacun d’une petite commode et d’une chaise, le réfectoire qu’une odeur point trop désagréable de soupe et de légumes emplissait. Aux murs il y avait des cartouches bleus ceints de lauriers peints où se détachaient en blanc des noms de lauréats aux Concours généraux : celui de Sainte-Beuve était le dernier. Quelques places vides restaient : « Votre fils y sera un jour », dit sérieusement, me parut-il du moins, M. L…

Hélas ! sa prophétie ne devait pas se réaliser.