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confessions

béatitude, et, lorsque arriva la guérison, d’étreintes assez étroites, de baisers assez forts puis assez tendres et mouillés de quelques larmes brûlantes, sur ses joues et sur ses mains, et rafraîchissantes (ô combien !) à mon pauvre cœur d’enfant encore si pur alors, et, au fond, depuis (toutes les fois que je pense à ma mère) à mon pauvre cœur d’homme malheureux par ma faute et faute de l’avoir eue toujours sous les yeux, même morte, surtout morte qu’elle est maintenant, mais non, elle vit dans mon âme et je lui jure ici que son fils vit avec elle, pleure dans son sein, souffre pour elle et n’est jamais un instant, fût-ce dans ses pires erreurs (plutôt faiblesses !), sans se sentir sous sa protection, reproches et encouragements, toujours !

— « Maintenant que le petit est guéri, que toute crainte de désordres et de pillages a disparu — dit un jour mon père qui, comme tout le monde, en ces temps, avait eu peur d’un bouleversement et d’une conflagration immédiate dont les nôtres ne semblent pas exempts non plus d’être menacés dans tels très brefs délais, — si nous le mettions au lycée. Qu’en dis-tu, lapin ? »

« Le lapin », c’était moi que mon père se plaisait à appeler ainsi, répondit naturellement, fier à la pensée d’avoir un képi, une tunique et de faire des « études », répondit :

— « Oh ! oui, alors ! »