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les hommes d’aujourd’hui

moi que je suis, c’est Jésus et Marie, à travers des idées indoues qui furent miennes parfois et, pour parler bon français, un tantinet mais si amusamment topinamboues.

L’Évangile enfin retrouvé dans sa simplicité, sa grâce, aussi son terrible esprit… de suite.

Je ne puis d’ailleurs mieux m’exprimer, je pense, à propos de ce pur poète, bien qu’il prétende n’écrire qu’en prose jusqu’à présent, qu’en un sonnet fait bien à loisir, l’année dernière, et où Poictevin

    phrase dans plusieurs lignes de dimensions différentes qui offrent une apparence de dislocation.

    Dans les vases de la grève
    la carcasse d’un navire échoué se décharne de
    plus en plus,
    un cormoran vole un moment tout près,
    sa vie se défait de plus en plus,
    il ne sait quoi de triste, de cher repasse dans le
    présent noir.

    Cet exemple est caractéristique. Il nous autorise amplement à le considérer comme un de ces virtuoses japonais, chercheurs de choses exquises et extra-humaines. Double, divisé en une centaine d’alinéas, ressemble à un vaste écran couvert de dessins capricieux. N’y cherchez pas l’ombre d’un sujet de roman, ni même un portrait. Deux personnages, simplement désignés par les prénoms Lui et Elle, analysent tour à tour, avec une subtibilité infinie, les impressions de leur double nature, vie extérieure et vie intime. Il y a de-ci de-là des tableaux réussis comme cette marine où il nous fait voir et entendre des mouettes : « On aurait cru que grinçaient de tournantes poulies… les cris des mouettes aux vols en virants entrelacs. »

    Paul d’Armon. (Voltaire, 24 novembre 1889.)