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les hommes d’aujourd'hui

voyants de la Muse ? Comme c’est le cas par exemple dans l’excellent poète qui nous occupe. Et Silvestre, le grand platonique-nostalgique, malgré toute clameur de haro, nous a révélé, par le journalisme bien à lui qu’il mène triomphalement depuis des années, tout un poète énorme en prose, énorme et léger, oui, léger ! sans compter l’écrivain cursif, élégant, lumineux à qui nous devons le Dessus du Panier et tant d’autres livres de claire rêverie et de fine gaîté, alternant avec le bouffon bienfaisant que pour ma part je trouve très ragoûtant et bien délectable à mes heures pour rire et me délasser. Il serait déplorable que Mendès, l’impeccable enchanteur de Philomela, d’Hespérus, du Soleil de Minuit, l’auteur de ces admirables poèmes théogoniques et hymniques. Pagodes, n’eût pas écrit tant de nouvelles terriblement charmantes, de cruelles études félines et tigresques, de puissants romans d’une si audacieuse moralité, — et Banville prosateur continue le glorieux Banville écrivain de vers. Mais, encore le roman nous a pris trop de poètes. M. Alphonse Daudet, par exemple, mérite certes son prodigieux succès, mais qui sait si l’aigre cigale bien soi des Amoureuses (rappelez-vous les Prunes, les Rossignols du cimetière, particulièrement) n’eût pas donné quelque très étrange et très piquant concert plus savoureusement méridional encore que ses Mœurs parisiennes, et ce, dans un français alerte.