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les hommes d’aujourd'hui

Et les cimes d’azur que l’Apennin déplie.
D’un long voile abritant la Toscane endormie,
Au bruit des vents grondeurs ferment ses horizons.

Les ceps aux bras lascifs semés de perles blanches
Grimpent en se tordant jusqu’aux plus hautes branches
Où la lumière chaude enivre les oiseaux ;
L’olivier rude et gris agite son front paie
Comme un vieillard qui fuit le penser de ses maux,
Et dans l’atelier sombre où forge la cigale,
Les seigles pour l’été tissent de blonds manteaux.

Printemps ! printemps ! printemps ! la nature immortelle
Uougit, après trois mois, de sa stérilité
Et le soleil viril à sa grande mamelle
Porte le lait joyeux de la maternité :
Humanité, debout ! à l’œuvre, chêne et rose !
Croissez, pensez, vivez, malheur à qui repose !
Le squelette a frémi dans sa bière agité.

Combien sur l’herbe humide au penchant des ravines
S’ouvrirent de bluets et combien d’aubépines ?
Les nids s’emplirent-ils dans la paix des buissons ?
Ainsi qu’un long essaim de mouches inquiètes
S’échappe de la gerbe à la fin des moissons,
Autour du front blanchi des tranquilles poètes
Combien volera-t-il de nouvelles chansons ?

Le sculpteur verra-t-il son imposant cortège
De fils obéissants joindre leurs mains de neige
Sur la tour formidable à l’ombre d’une croix ?