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confessions

Nationale, de Président, de conflit, de Chevau-légers, de Montagne, d’Élyséens et de Rouges ! Parfois des noms rébarbatifs à l’envi ou si ennuyeusement longs, Cavaignac, Ledru-Rollin, de qui l’on craignait le retour, monsieur de Montalembert, dont on attendait beaucoup, mais n’était-il pas trop du parti-prêtre ? Tout cela finirait par un coup d’État dans un sens ou dans un autre, Louis-Napoléon à Vincennes ou la Chambre à Mazas, ou alors, l’inconnu, les élections, la Révolution ! Moi, ça m’était bien égal, tous ces beaux discours, et pourtant je me disais, à part ce petit ignorant de moi, qu’il fallait pourtant que ça eût de l’intérêt pour que des grandes personnes, et surtout « papa » qui m’était un dieu, s’animassent à ainsi pérorer et parfois crier à ce propos. Mais ça m’était bien égal, en vérité, puisque malgré toutes mes ratiocinations autour de ces problèmes et en dépit même des réponses brèves et juste à ma portée, obtenues par mes certainement très agaçantes questions sur de tels sujets :

— Papa, qu’est-ce que c’est que le Président ? — C’est le chef de l’État, petit. — Et qu’est-ce que l’État ? — C’est le pays, c’est la France. — Alors, qu’est-ce qu’un coup d’État ? etc., etc. Je n’y comprenais rien ?

Ah ! certainement oui, que non, je n’y comprenais rien, quand, un matin d’hiver, vers dix heures, mon