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les hommes d’aujourd'hui

épris du beau sous toutes les formes admises depuis des siècles, la Femme, la Liberté, la Nature. Des qualités de haute finesse et d’esprit absolu ne furent sans doute pas non plus pour déplaire au Maître que tant d’années de conscience, de bonne foi, et d’un rien de duplicité littéraire avaient rendu cruellement doux et sceptique. Toutefois, la Naïveté, la bonne, ça va sans dire, primait dans ces vers encore, pour ainsi dire, adolescents. Un duvet de prune et de pêche, la poussière d’ailes du vierge papillon, décorent les produits juvéniles d’une muse originale, je le répète, dans l’éternel lieu commun gracieux, aimable, optimiste, enthousiaste, sur lequel notre poète brode des variations charmantes, rythmes et rimes, azur et or, à l’infini.

Les Chimères furent bientôt suivies de l’Idole, qui présente à mes yeux cette grande particularité d’avoir été sans doute le premier livre de la période parnassienne et des suivantes où se déroulât en toute liberté le culte authentique, orthodoxe, de la Femme charnelle. Ici, au contraire de bien d’autres manifestations de ce genre, la pure contemplation des lignes, des sons et des parfums s’élève et plane au-dessus du plaisir proprement dit ; même celui-ci s’effacerait, on croirait, dans le mysticisme païen de la forme louée et vénérée du « Corps qui est tendre, poli soëf et cœtera ». Certains pourront regretter cette lacune volontaire, à moins qu’elle ne provienne