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les hommes d’aujourd'hui

recueil de vers de Charles Cros, le Coffret de Santal et de se l’assimiler d’un bout à l’autre, besogne charmante mais bien courte, car le volume est matériellement mince et l’auteur n’y a mis que ce que, bien trop modeste, il a cru être tout le dessus de son magique panier. Vous y trouverez, sertissant des sentiments tour à tour frais à l’extrême et raffinés presque trop, des bijoux tour à tour délicats, barbares, bizarres, riches et simples comme un cœur d’enfant et qui sont des vers, des vers ni classiques, ni romantiques, ni décadents[1] bien qu’avec une pente à être décadents, s’il fallait absolument mettre un semblant d’étiquette sur de la littérature aussi indépendante et primesautière. Bien qu’il soit très soucieux du rythme et qu’il ait réussi à merveille de rares et précieux essais, on ne peut considérer en Cros un virtuose en versification, mais sa langue très ferme, qui dit haut et loin ce qu’elle veut dire, la sobriété de son verbe et de son discours, le choix toujours rare d’épithètes jamais oiseuses, des rimes excellentes sans l’excès odieux,

  1. Fortune des mots ! À plus de cinquante ans de distance, un groupe de littérateurs reçoit et accepte sans trop de mauvaise grâce l’épithète de Décadents, qui n’a rien de bien précis ni de bien virtuel, de même que les Hugo, Musset et autres, se virent affublés par les Classiques (absurdement dénommés eux-mêmes) du sobriquet très obscur de Romantiques. Qu’est-ce que cela d’ailleurs peut faire au génie et au talent ? L’un et l’autre s’appellent Comme ça, et « Toujours l’ordre éclate ! »