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les hommes d’aujourd'hui

sonnel. On a ri aux larmes, parce que Baju dans sa brochure me proclame le plus grand poète de tous les temps.

On a eu tort de rire.

D’abord parce que peut-être Baju pense ainsi pour de bon. (On est bien libre de penser comme on veut, n’est-ce pas ?) Et dans cette hypothèse je dirai purement et simplement à Baju qu’il se trompe et qu’il y a, entre autres, David, Homère, Sophocle, Lucrèce, Ovide, Théroulde, Dante, Villon, Ronsard, Shakespeare, Calderon, Racine, Gœthe, Byron, Lamartine, Musset, Poë, et les contemporains, mes maîtres et mes camarades.

Puis, il est probable que Baju a voulu, par une audacieuse et spirituelle assertion, bien établir combien il raffole — c’est le mot en vérité — de la Sincérité, de la Conscience, de la Simplicité, dont je ne craignais pas — pourquoi jamais craindre ? — de me réclamer tout à l’heure — et se servir de moi, grand honneur ! comme d’un symbole à illustrer ses idées là-dessus.

Enfin sans doute aussi que Baju me porte une grande amitié, et que son affection pour l’homme aveugle son estime pour le poète. En ce cas, une cordiale poignée de main à lui, et n’en parlons plus.

Mais je crois, et croyons plutôt que ma seconde supposition est la bonne ; là Baju a bien fait d’être excessif et brutal à ce point.