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les hommes d’aujourd'hui

cette fois, — une fois n’est pas coutume. La croix de la Légion d’honneur, qui brille, hélas ! trop souvent sur de moins nobles poitrines, fut décernée au poète, et peu après la coupole de l’Institut retentissait du premier discours de réception prononcé depuis longtemps par un véritable poète. On n’a pas oublié les termes éloquents dans lesquels Sully-Prudhomme vengeait d’un long oubli ses maîtres et ses confrères en l’art suprême.

Ce fut et c’est et ce cera son bonheur et l’honneur éternel de sa carrière et de sa mémoire d’avoir forcé la vieille porte un peu de bonzes, si de bonze des Quarante, et de la tenir grand ouverte aux premiers de tous les écrivains, j’ai dit aux Poètes.

Ces deux distinctions, la Croix et l’Académie, j’avoue les aimer sans excès, mais en tout respect. J’ai déjà eu l’occasion par deux fois, en ces causeries décousues, de témoigner de ma sympathie, admirative, non, mais attentive, pour le Docte Corps qui est aussi un Corps aux membres bien élevés, rara avis par le débraillement qui court dans nos hautes sphères. Quant à la Croix, je professe à son égard un pieux amour, l’ayant vu briller entre d’autres sur le plastron de velours de mon père, officier du génie, enrôlé volontaire à seize ans, et qui reçut le baptême du leu dans la campagne de Waterloo, — puis, hélas ! il y a déjà vingt ans de cela, sur son cercueil.