Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, V.djvu/305

Cette page a été validée par deux contributeurs.
293
les hommes d’aujourd'hui

tant décriés par une presse frivole, il y a des littérateurs sans qui elle ne serait pas. Corneille, Racine, Buffon, Chateaubriand devaient être de l’Académie, Molière pas. La Fontaine eût put n’en point faire partie. De nos jours Musset détonait dans ce milieu, Vigny y eût fait merveille sans les affreux Comte Molés pendus à ses chausses, Sainte-Beuve et Renan, mixtes, y sont des noms congruents. Mais à l’heure présente, Leconte de Lisle se trouve être l’homme de l’Académie et de ce Fauteuil. Son élection à l’unanimité s’impose et est faite.

J’ai dit que Leconte de Lisle était un beau causeur ; souvent amer, par exemple. Il a, cet homme, parfois des rancunes, des préventions d’homme, et gare à ceux qu’il investit de son animadversion ! Une dent acérée brille et mord ferme le malheureux, entre le monocle et la cigarette.

N’importe ! il en est parmi ces victimes d’injustices criantes en somme qui n’en veulent pas du tout, mais pas le moins du monde à leur « Carnifex », comme eussent crié Jean-Jacques et son cousin Bernard, et que d’ailleurs l’équité, un goût sûr et l’amour des Lettres forceraient quand bien même à crier solennellement et devant le monde entier :

Leconte de Lisle est un grand et noble poète !