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confessions

poussait, j’y cherchais je ne sais quoi, du blanc, du gris, des nuances peut-être. C’est sans doute à ces dispositions que je dus, si devoir il y avait là ! d’avoir un goût des plus précoces et très réel pour le gribouillage d’encre et de crayon et le délayage de laque carminée, de bleu de Prusse et de gomme-gutte sur tous les bouts de papier me tombant sous la main, qui est proprement ce que l’on baptise d’ordinaire vocation vers la peinture. Je dessinais d’épileptiques bonshommes que j’enluminais férocement ; mes bonshommes étaient principalement des soldats dont l’anatomie consistait en 8 superposés à des 11, et des dames en grand falbalas figurés par d’incohérents paraphes, le tout apparaissant sans buts autres que d’être là, très violemment. Le tout en deux traits et trois coups de plume, de crayon et de pinceau. Le doigt se chargeait le plus souvent d’effacer brutalement les « dessins » dont je n’étais pas content, quand ce n’était pas la langue qui se chargeait de l’exécution. J’ai gardé de ces « essais » la manie de noircir les marges de mes manuscrits et le corps de mes lettres intimes d’illustrations informes que de vils flatteurs font semblant de trouver drôles. Qui sait ? j’eusse pu être un grand peintre en place de ce poète-ci. L’Institut au lieu de l’hôpital, un petit hôtel aux Champs-Élysées et ses accessoires et non pas la chambre en garni et ses conséquences, une brochette à la boutonnière