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quinze jours en hollande

entouré et félicité, se délassait de la solennité de son discours de tout à l’heure en paradoxes amusants et le charmant causeur qu’il est se donnait pleine carrière. Je profitai d’une seconde de silence pour m’avancer vers lui. Il me reconnut sur-le-champ et nous serrâmes cordialement la main. Après quelques coupes de Champagne vidées, chacun s’en fut chez soi, après s’être donné toutefois un rendez-vous pour le lendemain au Restaurant royal, où un déjeuner en l’honneur du Sâr devait être donné.

Le lendemain, à l’heure ordinaire nous nous rendîmes Zilcken, sa femme et moi au Restaurant royal — où j’ai oublié de dire qu’on m’avait, précédemment offert un banquet qui fut très cordial et très joyeux. La compagnie était déjà nombreuse. On n’attendait plus que le Sâr. Il vint bientôt accompagné de deux autres convives. Un bonnet d’Astrakan, un pourpoint de soie, des bottes de chamois blanches, et un manteau composait son costume. Et vive lui ! de se moquer du qu’en dira-t-on et d’arborer les vêtements qui lui plaisent, tandis que la majorité même des artistes s’habille comme tout le monde et que le même faux-col étrangle le cou de l’aigle et celui de l’oie !

Mais on se met à table ; Péladan et moi, entre deux dames. Vous dire les adorables méchancetés, parfois le latin qu’il m’envoyait plutôt pour gentiment taquiner ces dames, qu’à cause des énormités