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quinze jours en hollande

avec la main du chirurgien promenant à loisir son scalpel parmi les lobes de ce cerveau presque en décomposition. Sur un autre tableau caractéristique dans cette salle, l’on voit plusieurs personnages en bleu de ciel et en perruques à nœuds de rubans, circulant sans enthousiasme autour d’un corps que celui d’entre ces muguets qui paraît le chef de cette clinique désigne d’un doigt dégoûté…

Plus loin c’est la Ronde de Nuit, dans son sanctuaire. Tout a été dit sur ce chef-d’œuvre mystérieux. Je voulais parler de Rembrandt à ce sujet, j’y renonce et je préfère donner ici une opinion sans doute oubliée, celle de l’un peu suranné Edmondo de Amicis, dans sa phraséologie légèrement fripée : « Rembrandt exerce un prestige particulier ; Fra Angelico est un saint, Michel-Ange un géant, Raphaël est un ange. Le Titien est un prince — Rembrandt est un spectre. » Le voyageur italien gâte plus loin son mot en l’expliquant. Je le retiens comme très bon. Il veut dire à moi aussi des choses peut-être plus nettes.

En quittant à regret ce tableau unique, guidé par un gardien, bicorne doré, médaille d’argent suspendue à un ruban jaune, comme à La Haye, nous contemplons sous verre le témoignage d’une visite à ce musée de l’Empereur d’Allemagne. Il est amusant de voir la signature innocente de la reine Wilhelmina, celles correctes de la reine régente et de l’impératrice…