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quinze jours en hollande

en Hollande ! Sièges larges, commodes, et, chose inappréciable en hiver, pas de ces « machins » en métal sur lesquels le pied n’a pas d’assiette et que des employés brutaux retirent brusquement de dessous vous pour vous en… lancer d’autres à peu près aussi tièdes au cri joyeux (pour eux) ! de : « Gare les pieds ceux qui en ont ! » Ici le train est chauffé par la vapeur même de la locomotive, probablement concentrée dans de vastes tuyaux : toujours est-il qu’à quelque place que vous mettiez vos jambes, vous sentez une chaleur douce et qu’il règne dans la voiture une atmosphère de chez-soi confortable au lieu de ces courants d’air, de ces odeurs d’eau qui forment l’apanage de nos meilleures places en chemin de fer. Un brouillard qui s’est élevé obstrue le clair de lune qui perce pourtant encore un peu, comme la lanterne du palefrenier jette à travers la buée de l’écurie une lueur quasiment suffisante. D’un côté, je perçois au loin, me semble-t-il, comme de longues lames d’eau, — telles d’immenses épées agitées dans un jour faux, d’autre part autant que le brouillard de plus en plus épaissi me permettait de discerner, une campagne dense, aux villages nombreux. Tak, qui est une encyclopédie vivante en même temps qu’un causeur charmant, m’apprend que les lames brillantes sont des canaux, et que la campagne florissante et peuplée dont je vois à peine la forme c’est… le lac de Haarlem.