Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, V.djvu/260

Cette page a été validée par deux contributeurs.
248
quinze jours en hollande


Nous nous embarquons donc, Zilcken, Bauer, Toorop pris en route et moi, vers sept heures pour Leyde. Je reste taciturne à cause de la lune qui me détaille comme exprès les moindres objets sur la route. La campagne est la même que celle vue un peu après Roosendael : de la verdure par tranches, des canaux qui pourraient s’appeler des ruisseaux s’ils n’étaient droits et d’un parallélisme parfait avec des bandes de terre, leur rivage et le nanan de belles et bonnes vaches qui doivent s’y faire moins de bile que de bon lait, et des moulins à vent à l’horizon. Mais la lune ne serait pas la sorcière, l’incantatrice qu’elle est si elle ne jetait son fantastique et son erreur sur ce paysage tout réel et tout humain, du moins d’hommes… Hollandais ! Les petits canaux sont autant d’immenses nappes longues de fer-blanc reluisant cruellement, et les petites prairies, les partielles prairies, disais-je peut-être mieux, semblent de l’eau à qui les nuages passant prêtent des rides et des flots.

Quelques villages dont les toits tout rouges font plutôt pâle mine dans la lumière neigeuse qui les enveloppe.

Et ces illusions (mes deux voisins sont, en hollandais, dans le feu d’une discussion artistique) me mènent jusqu’à Leyde où plusieurs jeunes gens nous attendent, de qui plusieurs entrevus à La Haye, me paraît-il (car mes yeux, déçus par les traits de cette