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quinze jours en hollande

Je passais toute cette après-midi d’abord à jouer avec Mlle Renée, désormais ma grande amie bien que je sois assez froid d’ordinaire avec les enfants, mais celle-ci est si gentille qu’elle force en quelque sorte la caresse et l’espièglerie que tous les braves gens ont en eux. Puis nous visitâmes la si curieuse habitation de l’artiste.

C’est une maison de campagne à l’anglaise avec les bois de construction visibles et peints en rouge terne d’un effet très pur sur le blanc grumeleux des murs. Ô charme ! à l’anglaise encore elle n’est pas géométriquement régulière. On entre par une porte pas centrale. À droite c’est une mignonne terrasse pleine de fleurs, à gauche le mur tout sec. Derrière, au fond de la salle à manger vue jusqu’à l’horizon, sortie sur le jardin entouré de prairies dont je ne puis juger par ce novembre qui commence à devenir méchant — ô les arbres le long du canal ! Des squelettes noirs, lugubrement chanteurs qu’eût pu conseiller le monsieur si plaisant de la veille ! Fini le convoi somptueux or et rouge, aux lumières non voilées. C’est le service funèbre en noir, un fameux service funèbre qui en a pour trois mois et plus à se psalmodier !…

Dès l’antichambre on ne se sent pas chez un bourgeois. Tout l’ameublement de cette pièce est original, il n’y a pas jusqu’à un porte-cartes qui ne m’ait diablement intrigué : c’est tout bonnement un éclat