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quinze jours en hollande


Mais le Maître déclare qu’il nous faut aller en ville. Je ne demande, vous pensez, pas mieux. D’ailleurs ma conférence est prête.

Était-ce le jour où il a tant plu ou celui où il faisait si beau ? Je ne m’en souviens plus, mais les arbres du bois étaient plus splendides — rouge-noir et or le long du canal aux eaux mordorées du reflet — que jamais. D’ailleurs atteindre le petit tramway ne fut pas long. Et nous filons entre deux rangs de maisons assez basses à terrasses, à corniches, à bay et à bow windows trop anglaises, mais coquettes, nous prenons sur notre route un peintre de talent, encore un convive de la veille, Étienne Bosch. Nous arrivons au bout de peu de temps au cœur de la ville. Le temps d’un bonjour à Blok dans sa librairie toute française de Prinsestraat et d’une station dans un Bodega non loin — et nous allons visiter la salle où je dois parler ce soir. C’est une des pièces qui composent le local de la loge maçonnique de La Haye. Ça a un air doublement protestant. Des murs peints en vert clair ou quelque chose d’analogue, gris, ou roux clair, ma mémoire m’est infidèle. Nul or, nul ornement. Comme mobilier, un lustre suspendu, de bronze, une centaine de chaises, une cathèdre, c’est ici la chaire ou la tribune, dans un coin… Au centre une estrade avec la table traditionnelle recouverte d’une étoffe verte, deux bougeoirs et le verre… vide.