Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, V.djvu/224

Cette page a été validée par deux contributeurs.

III

Le prodige n’est pas ici subit. Rien ne ressemble plus à la frontière belge que les confins de la Hollande de ce côté des deux pays. Du vert, peu d’arbres, un peu plus d’eau en ruisselets, ô si humbles, des villages les mômes à combien peu de différence près ! Pourtant à mesure qu’on avance à toute vapeur — la verdure se fait plus verte, les arbres deviennent plus rares, l’eau est moins modeste. Elle s’effile en minces canaux comme pour l’amour de Dieu, coulant ou plutôt stagnant tout droits, très longs (quelque chose comme ce que les Anglais nomment des drains), et qui séparent en bandes parallèles d’étroites prairies où paît un bétail abondant — et au bout d’une vingtaine de ces alternances et au milieu d’elles, un moulin à vent.

La monotonie gentille de ces aspects réguliers à l’infini lasse un peu la première curiosité et pour ma part j’eus si bien cette sensation qu’un demi-sommeil ne tarda pas à m’assoupir dans un coin bien douillet de mon coupé, demi-sommeil plein d’une vague préparation à mes conférences et d’icelles