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quinze jours en hollande

m’apparaît toute rouge plutôt, avec une tour très haute, très ornementée à la voir ainsi de loin, en pierre plutôt bleuâtre la tour, beffroi et clocher que je vois avant l’entrée en gare, laissant à main gauche des tas énormes, pour ainsi dire fantastiques de charbon. On croirait quelques montagnes noires, disons plutôt des collines, où il y aurait gnomes et kobolds, de ceux-là qui rient ou grimacent dans les grilles de cheminées, ou ronflent à poings fermés dans les tuyaux de poêles d’hiver.

Le conducteur du train français venait de nous quitter en son uniforme terne, noir avec attributs, collet, bandes, galons violets. En sa place un joli jeune homme blond, sanglé en une tunique noire aussi, mais aux boutons de cuivre plats étincelants, au lieu du triste bouton bombé, d’argent, français, coiffé du képi rigide à la visière bordée de cuivre rouge préside à nos destinées. Charmant, le jeune homme qui répond à mes confidences relatives à telles inquiétudes une fois franchie la frontière belge vers la Hollande, terre où ne fleurit plus le français.

— N’ayez pas nulle crainte, monsieur, ze te recommanderai à le directeur du train là-bas.

Muni de cette rassurante, je me réinstalle dans mon wagon solitaire, — et tant mieux ! et une heure ne s’est pas écoulée dans le très léger ennui d’aspects plus ou moins banals dans une sorte de gen-